Syrie: bombardements incessants du régime, exode massif

Deux mois après la reprise de son offensive pour reprendre la région d’Idleb en Syrie, le régime de Bachar al-Assad bombarde sans cesse ce dernier grand bastion des jihadistes et des rebelles poussant à la fuite près d’un million de personnes.

La Haut-commissaire de l’ONU Michèle Bachelet, s’est dite « horrifiée » par ces violences dans le nord-ouest du pays en guerre et a réclamé des « couloirs humanitaires » pour faciliter le « passage des civils en toute sécurité ».

Avec les combats et les frappes menées quotidiennement par le régime Assad et son allié russe, environ 900.000 personnes ont été déplacées dans la grande région d’Idleb et ses environs depuis le 1er décembre, en vaste majorité des femmes et des enfants, a affirmé l’ONU lundi, réitérant un appel pour un cessez-le-feu.

Cette vague d’exode en seulement un peu plus de deux mois est sans précédent depuis le début du conflit dévastateur en Syrie qui a jeté à la rue des millions de personnes et fait plus de 380.000 morts depuis 2011.

Les personnes déplacées « sont traumatisées et forcées de dormir dehors par des températures glaciales car les camps (de déplacés) sont pleins », a déploré le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock, dans un communiqué.

« Les mères brûlent du plastique afin de réchauffer les enfants. Des bébés et de jeunes enfants meurent à cause du froid », s’est-t-il insurgé.

Quotidiennement dans la province d’Idleb et ses environs, ce sont les mêmes scènes d’exil dont sont témoins les correspondants de l’AFP. Les routes sont envahies par des camions et des voitures bourrés d’affaires empilées à la hâte par des civils cherchant à trouver refuge dans des secteurs jugés plus sûrs, près de la frontière turque.

Exposées à la neige, à la pluie et à des températures hivernales extrêmes, les familles les plus chanceuses trouvent une place dans les camps de déplacés informels où s’entassent déjà des dizaines de milliers de personnes.

Les autres passent la nuit dans leur voiture, ou montent une tente sommaire au milieu des champs.

– Ecoles et hôpitaux bombardés –

« La violence dans le nord-ouest de la Syrie est aveugle », a dit M. Lowcock. « Des établissements de santé, des écoles, des zones résidentielles des mosquées et des marchés ont été frappés ».

Mais le régime ne semble pas prêt à arrêter son offensive malgré les appels à un cessez-le-feu et après que ses forces, aidées par la Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais, ont repris plus de 70% du territoire.

Lundi, M. Assad a averti qu’il comptait poursuivre l’assaut. « La bataille pour la libération des provinces d’Alep et d’Idleb se poursuit. »

Ce sont les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda) qui dominent plus de la moitié de la province d’Idleb et des secteurs attenants dans celles d’Alep, de Hama et de Lattaquié. Ces territoires accueillent aussi d’autres groupuscules jihadistes, mais aussi des factions rebelles.

Plus de 380 civils ont péri depuis mi-décembre dans les violences, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Les forces gouvernementales concentrent actuellement leurs opérations dans l’ouest de la province d’Alep, a indiqué l’OSDH en faisant état de raids aériens russes mardi dans l’ouest d’Alep et dans secteurs d’Idleb.

Les prorégime tentent de progresser « en direction de la montagne Cheikh Barakat », qui domine de vastes régions dans l’ouest d’Alep et le nord d’Idleb, près de la frontière turque, d’après le directeur de l’Observatoire, Rami Abdel Rahmane.

– Craintes pour les déplacés –

Si le régime reprend Cheikh Barakat, ces régions « pourraient se retrouver à portée de l’artillerie du régime », selon M. Abdel Rahmane. Or c’est là que se trouvent « des camps de déplacés qui accueillent des dizaines de milliers de personnes ».

Dimanche les forces du régime ont conquis toutes les localités aux abords de la métropole d’Alep, sécurisant la ville du pays en éloignant jihadistes et rebelles qui tiraient des roquettes et obus meurtriers.

« Nous sommes pleinement conscients que cette libération ne signifie pas la fin de la guerre », a martelé lundi M. Assad. « Mais cette libération signifie certainement qu’on leur a fait mordre la poussière en prélude à la défaite totale, tôt ou tard ».

Pour des experts, jihadistes et rebelles pourraient préserver une partie de la province d’Idleb.

La guerre en Syrie a été déclenchée par la répression de manifestations prodémocratie pacifiques, mais elle s’est ensuite complexifiée avec l’intervention d’acteurs régionaux et internationaux, outre les groupes jihadistes.

Un couple de danseuses rafraîchit l’étiquette du bal viennois

Le Bal de l’Opera, ce sera robe longue pour Iris et frac noir pour Sophie, premier couple de même sexe choisi pour ouvrir le prestigieux rendez-vous viennois, où le plaisir de valser l’emporte sur « ce qu’il y a dans le pantalon ».

Jeudi soir, devant quelque 5.000 spectateurs aux balcons de l’institution lyrique, et plus de deux millions devant leur télévision, ce qui avait commencé comme un pari deviendra réalité: les deux amies seront alignées parmi les couples triés sur le volet pour l’événement dansant de l’année.

« C’est le bal des bals (…) et nous nous sommes dit +imaginons qu’on envoie une candidature+ », raconte Iris Klopfer, arrivée à Vienne avec sa partenaire, Sophie Grau, pour les répétitions précédant le grand soir.

Originaires d’Allemagne, les étudiantes de 22 et 21 ans sont complices depuis leurs années lycée mais ne sont en couple que sur les parquets de danse et pas dans la vie.

Amatrice de bals, Iris a entraîné son amie dans la sélection drastique à laquelle sont soumis les aspirants débutants et débutantes, ces passionnés de valses, de polonaises, de quadrilles qui ouvrent, dans une chorégraphie parfaitement réglée, les nombreux bals qui se tiennent à Vienne chaque hiver.

« Ce que nous voulions au départ, c’est juste danser ici, rien de plus », explique Sophie Grau, cheveux courts et lunettes à monture sombre. Mais les deux élues souhaitent dire aussi « que ce que tu as dans le pantalon importe peu, pas plus que le corps dans lequel tu es né ».

– Guideur et guidé –

Les organisateurs du bal assurent n’avoir accordé aucun passe-droit aux jeunes femmes, ni modifié les critères de sélection qui incluent une parfaite maîtrise de la valse à gauche, dite « valse viennoise », avec son redoutable croisé de jambe.

Au grand soulagement de Maria Grossbauer, ordonnatrice de la soirée, Iris et Sophie « ont elles-mêmes souhaité qu’une des dames porte un frac noir et que l’autre dame porte une robe blanche », code vestimentaire indispensable à l’harmonie visuelle de la chorégraphie exécutée par les 144 couples.

Pour le reste, Mme Grossbauer dit « se réjouir » d’une brise de modernité, somme toute évidente à ses yeux : « Nous sommes en 2020. Elles sont les bienvenues, comme tous les couples le sont ».

Une évolution « totalement normale » aussi pour le directeur de l’Opéra Dominique Meyer, qui voit dans le couple de danseuses « un message clair contre l’homophobie ».

Radieuses lors de la répétition à laquelle l’AFP a assisté, parfaitement à l’aise parmi les autres débutants et débutantes venus de 11 pays, le duo questionne aussi les rapports traditionnellement établis entre partenaires dans les danses de salon.

« Je sais guider, elle sait guider », observe Iris Klopfer.

« Tout le monde peut apprendre à guider et toute le monde peut apprendre à se laisser guider », observe Sophie Grauer. « L’important, c’est le plaisir qu’on éprouve à danser ensemble ».

« Reine de la nuit », c’est le thème choisi pour le Bal de l’Opéra 2020. Inspiré de « La flûte enchantée » de Mozart, il va comme un gant aux deux têtes d’affiche de l’édition. Plus de 450 bals se tiennent à Vienne chaque hiver, déclinaison locale des festivités de carnaval, dont la tradition remonte au 19ème siècle.

Coronavirus: à travers la planète, les quartiers chinois touchés par la panique

De San Francisco à Melbourne, les quartiers chinois des grandes mégapoles sont étrangement paisibles, désertés par des visiteurs qui ont cédé à la panique depuis l’apparition du nouveau coronavirus en Chine.

« L’alarmisme est omniprésent », se lamente Max Huang, propriétaire du restaurant Juicy Bao, dans le quartier chinois historique de Melbourne.

Son établissement fait partie des dizaines de restaurants que compte le plus vieux « Chinatown » d’Australie qui a vu le jour lors de la ruée vers l’or dans les années 1850.

Même si l’épicentre de l’épidémie du Covid-19 se situe à plus de dix heures d’avion et que l’Australie ne connaît qu’une poignée de cas, la communauté chinoise est stigmatisée, comme un peu partout dans le monde, depuis l’apparition en Chine de ce virus qui a fait près de 1.900 morts.

A Melbourne, les rues sont donc étonnamment paisibles et même la danse du dragon du Nouvel An lunaire n’a pas réussi à attirer les foules.

Les commerçants affirment que leurs revenus ont chuté de plus de la moitié, les obligeant à réduire considérablement les heures de travail de leur personnel… une situation que l’on retrouve à travers tous les quartiers chinois de la planète.

Dans le quartier de Richmond à Vancouver, il est désormais aisé d’obtenir une table au restaurant de l’Empire des fruits de mer.

– Aucun touriste chinois –

« Normalement, nous aurions de longues files d’attente d’environ cinq à dix tables mais aujourd’hui, il n’y a aucune queue », fait remarquer le directeur général adjoint Ivan Yeung.

« Certaines personnes ont déjà annulé leurs fêtes ou repas de groupes. Beaucoup de restaurants connaissent la même situation », se désole-t-il, tout en souhaitant un rapide retour à la normale.

Dans plusieurs pays, l’interdiction d’entrée pour les personnes en provenance de la Chine a durement frappé certains quartiers.

« D’habitude, à cette heure-ci, nous avons des touristes chinois mais là, nous n’en avons aucun », remarque Tony Siu, directeur du populaire restaurant cantonnais R&G Lounge à San Francisco.

En Australie, cette interdiction du territoire a été aggravée par le fait que près de 100.000 étudiants chinois n’ont pas pu rentrer à temps pour commencer leur année universitaire.

« Nos principaux clients viennent de Chine… (c’est pourquoi) c’est très difficile », explique Su Yin, dont le stand de crêpes se situe au pied d’une université de Melbourne qui compte de nombreux étudiants chinois.

Dans l’espoir de rassurer de potentiels clients, certains commerçants ont apposé des affiches stipulant que leurs locaux locaux sont régulièrement désinfectés à titre préventif.

– « Peur des Chinois » –

Certains sont même allés jusqu’à fournir de la solution hydroalcoolique pour les clients et à demander à leur personnel de porter des masques et des gants en caoutchouc.

Mais ces mesures ne remportent pas un grand succès face à la xénophobie qui contribue à aggraver la situation.

Rebecca Lyu, une Chinoise étudiant à Londres, explique avoir eu le plus grand mal à convaincre ses amis de venir dîner ou faire du shopping en sa compagnie.

« Certains de mes amis ont refusé aller manger dans des restaurants de Chinatown parce qu’ils ont peur du virus », déplore-t-elle.

A San Francisco, le magasin de souvenirs de Fred Lo est habituellement très fréquenté par les touristes européens et sud américains mais « depuis deux semaines, il y a beaucoup moins de monde, au moins 50% de moins, même si personne n’est malade ou n’a été en Chine », constate-t-il.

M. Lo estime que les temps sont encore plus durs qu’à ses débuts en 1975.

« Ce n’est pas juste qu’autant de personnes aient peur des Chinois », souligne-t-il.

Ce commerçant, également président de la Chambre de commerce chinoise de Melbourne, regrette que le message qu’il martèle « nous allons bien, n’ayez pas peur » ne soit pas entendu.

A Londres, David Tang a bien remarqué que les personnes l’évitent depuis quelques semaines mais il essaie d’en prendre son parti.

« Je prends le train tous les matins. Un jour, la semaine dernière, tout le monde était debout et il y avait un siège vide à côté de moi » raconte-t-il, alors « j’en ai ri ».

A « mini-Kaboul », 40 ans de vie au Pakistan pour des réfugiés afghans

A « mini-Kaboul », un marché de Peshawar, la capitale du Nord-Ouest pakistanais, tout rappelle l’Afghanistan. Les vendeurs en sont tous originaires, à l’instar des millions de réfugiés afghans vivant au Pakistan, certains depuis maintenant quatre décennies.

Des enfants afghans poussent des chariots de fruits. Le dari, l’une des principales langues afghanes, inusitée au Pakistan, est omniprésent. Le « kabuli palao », plat national afghan, un riz assaisonné garni de viande, est roi.

« Nous avons passé une vie entière ici », observe Niaz Mohammed, un travailleur journalier de 50 ans originaire du Nangarhar, province de l’Est afghan frontalière avec le Pakistan.

Lui affirme avoir fui son pays dans les années 1980, alors que l’Afghanistan s’embrasait après l’invasion soviétique de Noël 1979. Quarante ans et des dizaines de milliers de morts plus tard, la violence ne s’est toujours pas atténuée.

« Nous avons eu des mariages ici, nos enfants sont nés ici. (…) Nous travaillons ici, alors qu’il n’y a pas de paix en Afghanistan, poursuit Niaz Mohammed. Nous sommes heureux ici. »

Lundi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, en visite pour trois jours au Pakistan, à salué « l’énorme générosité » des Pakistanais, qui « n’ont pas seulement ouvert leurs frontières », mais aussi « leurs maisons et leurs cœurs » aux Afghans.

Car le Pakistan est l’un des plus grands pays d’accueil au monde, avec 2,7 millions de réfugiés afghans, enregistrés ou sans papiers, selon Islamabad.

Beaucoup vivent dans des camps, tandis que d’autres se sont construit une nouvelle vie, davantage insérés dans l’économie pakistanaise.

– Suspicion –

A « mini-Kaboul », les 5.000 échoppes sont tenues par des Afghans. Mais leur statut a toujours été temporaire. Les autorités fixent régulièrement des dates limites pour leur départ du Pakistan, qu’elles repoussent à mesure que le conflit s’aggrave en Afghanistan.

De nombreux Pakistanais considèrent ces réfugiés avec suspicion, les soupçonnant d’encourager l’extrémisme et la criminalité, et demandent qu’ils soient renvoyés chez eux.

Lundi, le deuxième vice-président afghan Sarwar Danish a également accusé des groupes insurgés de se servir de camps de réfugiés au Pakistan comme de « camps d’entraînement » pour combattants actifs en Afghanistan, ce que nie Islamabad.

« Il n’y a pas de sanctuaire (pour extrémistes, NDLR) ici », lui a répondu le Premier ministre pakistanais Imran Khan.

Au quotidien, les Afghans du Pakistan vivent en citoyens de seconde classe. Même ceux qui ont passé des décennies dans le pays ne peuvent posséder de terres ou une voiture. Très récemment, ils ont obtenu le droit d’ouvrir un compte bancaire.

Peu après son arrivée au pouvoir mi-2018, Imran Khan avait indiqué vouloir leur accorder la citoyenneté pakistanaise. Mais l’indignation avait été si forte que la mesure est depuis lors enterrée.

Nombre de réfugiés interrogés par l’AFP à Peshawar affirment malgré tout bien se sentir dans leur pays d’adoption.

Javed Khan, 28 ans, est né au Pakistan. Il s’est marié à une Pakistanaise, avec qui il a eu trois enfants. « Je ne partirai que si le Pakistan m’y force », assure-t-il.

La situation pourrait évoluer, alors que Donald Trump a récemment assuré qu’un accord était « très proche » entre Etats-Unis et talibans, permettant aux troupes américaines de se retirer d’Afghanistan en échange de garanties sécuritaires des insurgés.

Ceux-ci,dans un second temps, doivent discuter avec le gouvernement de Kaboul, dont ils n’ont jamais reconnu la légitimité.

– « Je ne veux pas revenir » –

Les deux parties n’en ont qu’après « leur propre intérêt », commente Mohammed Feroz, dubitatif quant à l’impact qu’un tel accord aurait sur sa vie. « Personne ne se soucie de nous. Pour nous, Dieu est le seul espoir », poursuit ce propriétaire d’un négoce d’habits dans « mini-Kaboul », arrivé à il y a 40 ans au Pakistan.

Même si la paix arrivait finalement, la plupart des réfugiés disent vouloir rester au Pakistan, car les opportunités économiques y sont meilleures.

Dans le camp de Khurasan, à la sortie de Peshawar, environ 5.000 Afghans vivent dans le dénuement.

Yaseen Ullah, 26 ans, sa mère et ses huit frères et sœurs, y partagent une petite maison en pisé de deux pièces sans eau courante. Malgré la dureté de leur vie, ils ne souhaitent pas non plus rentrer en Afghanistan.

Là-bas, « je n’ai pas de travail. Qu’est-ce que j’y ferai? », questionne ce chiffonnier de 26 ans.

Niaz Mohammed, père de sept enfants, tous nés dans un camp de réfugiés et qui parlent la langue pachtoune avec un accent pakistanais, est au diapason car il doit selon lui « nourrir (sa) famille ».

« Je le dis du fond du cœur, je préfère rester ici, confesse-t-il. Je ne veux pas revenir ».

En Algérie, les réseaux sociaux, garants de la mémoire d’une contestation inédite

Caisse de résonance du « Hirak », les réseaux sociaux ont façonné et accompagné ce mouvement de contestation antirégime inédit en Algérie, face à un discours officiel faisant fi de l’ampleur de la mobilisation populaire.

« Les réseaux sociaux ont permis de suivre le Hirak en continu et en temps réel, à différents endroits simultanément », explique à l’AFP Zahra Rahmouni, journaliste indépendante en Algérie.

« Ils ont montré la répression policière, brisé les préjugés et contrecarré un discours » qui voulait minorer ce mouvement de protestation non-violent déclenché le 22 février 2019, souligne la journaliste trentenaire.

Depuis un an, Zahra Rahmouni informe en direct ses abonnés sur Facebook, Instagram et Twitter, tout en se documentant elle-même sur ces plateformes.

Lieux d’expression du mécontentement commun, les réseaux sociaux ont été les chambres d’écho d’appels à manifester, les laboratoires des slogans de chaque marche hebdomadaire et les garants du caractère pacifique du « Hirak ».

Dans ce pays de 42 millions d’habitants, 23 millions sont des utilisateurs actifs des médias sociaux, selon le rapport 2019 de la plateforme de gestion des réseaux sociaux Hootsuite et de l’agence digitale We Are Social.

– Black-out médiatique –

« Qu’ils dégagent tous! » « Algérie libre et démocratique! » « Je suis un membre du Hirak! » « Tu n’es pas mon Président! », adressé au chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune, successeur d’Abdelaziz Bouteflika élu en décembre lors d’un scrutin massivement boycotté par la population. Autant de mots-dièse devenus des cris de ralliement de la contestation, lancés à la fois dans la rue et sur la toile.

A l’instar de ce qui se passe sur le terrain, la mobilisation virtuelle est disparate et dispersée, sans leadership, mais elle est opiniâtre, visible sur l’ensemble du territoire et réunit les générations.

Si « les réseaux sociaux ont permis à des Algériens d’exprimer une forme d’engagement politique interdite dans l’espace public, ils ont surtout été une alternative au déficit (d’informations) laissé par de nombreux médias », explique à l’AFP le politologue algérien Chérif Dris.

Face au black-out médiatique des chaînes privées -proches du pouvoir- et de la télévision publique, qui a fait l’impasse quasiment toute l’année sur les manifestations, les réseaux sociaux sont devenus une des principales sources d’information.

En présentant la réalité du terrain dans différentes régions du pays, « ils ont participé à forger la légitimité du mouvement et à déconstruire le discours officiel », observe Chérif Dris.

Mais ils ont aussi nourri des débats enflammés au sein même du « Hirak », comme en témoigne la vive polémique qui a opposé l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud, qui a décrété « l’échec provisoire » du mouvement, à des détracteurs le qualifiant de « traître ».

Sur Facebook et Twitter, les échanges ont fusé: les uns constructifs, les autres virulents.

– Mémoire collective –

Bien que polluées par une désinformation massive des pro et antirégime, les nouvelles partagées sur les réseaux, une fois passées au crible, sont porteuses d’une mémoire collective.

Soucieux de conserver une trace du flot d’informations généré par le « Hirak », un groupe de chercheurs a lancé dès février 2019 une collecte d’archives.

Photos, vidéos, tracts, communiqués et déclarations sont récupérés au fur et à mesure que se développe le mouvement, principalement sur les réseaux sociaux.

Pages Facebook d’organisations comme le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), pages anonymes ou groupes créés à la hâte pour faire vivre le débat, constituent une précieuse base de données.

« Au travers des photos de slogans collectées, nous pouvons observer l’évolution des revendications », constate Sarah Adjel, doctorante en histoire et cofondatrice du projet « Algérie: initiative d’archives collectives ».

« Le déliement de la parole qui s’exprime sur les réseaux sociaux est fascinant », affirme-t-elle.

La collecte d’archives est, selon Sarah Adjel, une garantie face à toute « tentative de falsification de l’histoire ».

A long terme, l’ambition est que les documents conservés soient accessibles aux Algériens.

Du côté des autorités, aux tentatives de perturber internet lors des premières marches du « Hirak » ont succédé des offensives de trolls prorégime sur Facebook et Twitter.

Plusieurs activistes ont par ailleurs payé le prix de leur liberté de ton sur les réseaux sociaux, en étant poursuivis à cause de publications Facebook, selon le CNLD.

Dans un communiqué, Human Rights Watch a dénoncé la mise en examen d’un jeune romancier, Anouar Rahmani, pour « insulte au président de la République » et « atteinte à la sûreté de l’Etat », après qu’il eut moqué M. Tebboune sur Facebook.

Une star des réseaux sociaux veut réveiller la Russie sur le VIH

S’inquiéter du sida plutôt que du coronavirus: Le film d’un youtubeur russe a braqué les projecteurs sur le VIH afin de réveiller la jeune génération sur cette maladie qui ronge la Russie dans l’indifférence des autorités.

Avec sa vidéo « VIH en Russie, l’épidémie dont on ne parle pas », Iouri Doud, 33 ans, a rassemblé plus de 13 millions de vues sur YouTube en moins d’une semaine. Et il a fait réagir des responsables politiques d’ordinaire très discrets sur le sujet.

Star des réseaux sociaux très suivie par la jeunesse, Doud est d’abord connu pour ses interviews décontractées avec des politiques et des artistes de tous bords.

Il avait enregistré un premier grand succès l’année passée avec un film pédagogique sur l’histoire du goulag stalinien, thème largement passé sous silence en Russie. La vidéo affiche plus de 19,2 millions de vues sur YouTube.

Toujours dans cette logique éducative, Doud s’attaque cette fois-ci à un thème de santé public largement tabou, détaillant tous les aspects du VIH/sida : vie quotidienne des séropositifs, des modes de contamination, des thérapies, de la prévention.

« Les gens qui vivent avec le VIH en Russie sont tout le temps victimes de discrimination. On en a honte, on les fuit, on les dédaigne », regrette Iouri Doud dans sa vidéo.

– 103.000 infectés –

S’attaquant aux idées reçues en rappelant par exemple que les moustiques et les baisers ne présentent pas de risque, il appelle aussi chacun à se faire dépister, expliquant l’existence de tests salivaires en pharmacie.

En Russie, plus de 1,1 million de personnes vivent avec le VIH sur une population de 144,5 millions. Au moins 300.000 personnes sont mortes du sida depuis 1987 et le rythme de propagation de la maladie reste très élevé.

« Il y a eu 103.000 nouvelles infections en 2018, contre 6.200 en France. Et ces nouveaux cas sont le résultat d’un manque de prévention et d’information », explique Vadim Pokrovski, directeur du Centre fédéral de lutte contre le sida.

« On n’en fait pas assez. Et il ne faut pas seulement soigner les malades », relève aussi Vladimir Maïanovski, directeur d’une organisation de soutien aux séropositifs.

Sur les réseaux sociaux, les commentaires sont généralement laudateurs. « Où peut-on voter pour qu’on montre ce film à l’école ? », écrit Nadia Khiakli, dont la remarque a attiré 29.000 « likes » sur YouTube.

Autre effet, dans les jours ayant suivi la publication du film le 11 février, le nombre de recherches liées au sida en russe sur Google a bondi: pour les mots-clés « acheter test VIH » de 350%.

– « Mauvaise façon » –

Face à ce phénomène, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a jugé que la vidéo « méritait que l’on s’y intéresse ». Le président de la Cour des comptes, Alexeï Koudrine, a promis d’évaluer l’efficacité de l’assistance aux malades.

Iouri Doud a aussi été invité au Parlement pour parler prévention et son film a été montré à la chambre basse, même si seuls quelques députés ont fait le déplacement.

Ces réactions sont d’autant plus inhabituelles que les politiques publiques en la matière ont été décriées par les experts.

« Dans la tête des gens qui prennent des décisions en Russie, le VIH c’est de toute façon les drogués et les gens qui vivent +de la mauvaise façon+ », regrette Igor Ptchelintsev, responsable de l’ONG de lutte contre le sida « Chagui ».

Depuis 2016, plusieurs ONG spécialisées dans la lutte contre le VIH ont été classées « agents de l’étranger », dénomination controversée qui gêne grandement leur travail et la récolte de fonds.

Sous Vladimir Poutine, proche de l’Eglise orthodoxe, les idées conservatrices ont été remises au goût du jour, si bien que des mesures de prévention efficaces n’ont pas été mises en oeuvre, qu’il s’agisse de toxicomanie ou de sexualité. Les campagnes d’information mettent en avant l’abstinence plus que le préservatif.

Un article du quotidien Vedomosti, titré « Doud à la place du ministère de la Santé », a jugé dès lors le blogueur « plus efficace » que l’Etat.

« De nouvelles personnes sont allées se faire dépister. Et il y a même un intérêt parmi les preneurs de décisions. C’est bien! », se réjouit le chercheur Vadim Pokrovski.

En Grèce continentale, les habitants font obstruction à la venue des migrants

« Nous n’accepterons aucune colonisation illégale ». La banderole déployée à Makrygialos, dans le nord de la Grèce, proclame sans détour le refus des villageois d’accueillir 200 demandeurs d’asile en provenance des îles de la mer Egée.

Comme beaucoup d’autres communes de Grèce continentale, ce village de 1.000 âmes se montre inflexible dans le bras de fer qui l’oppose au gouvernement d’Athènes sur une nouvelle répartition des migrants sur l’ensemble du territoire grec.

« Nous sommes déterminés à défendre notre patrie. Nous ferons tout pour les empêcher de venir », a lancé Tasos Yiakoumis, un avocat rencontré à Makrygialos dans une manifestation anti-migrants.

Sept mois après son arrivée au pouvoir, sur la promesse de résoudre la nouvelle crise migratoire en Grèce, le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis se trouve dans une impasse.

Ni les îles de la mer Egée, directement impactées par le flux migratoire constant en provenance de la Turquie voisine, ni le continent ne veulent accueillir les milliers de demandeurs d’asile hébergés dans des camps sordides et surpeuplés.

Quelque 38.000 demandeurs d’asile s’entassent ainsi, beaucoup depuis des mois voire des années, dans les camps de Lesbos, Samos, Chios, Leros et Kos, pour une capacité théorique de 6.200 personnes.

Autorités locales et habitants sur ces îles refusent d’en accueillir davantage et exigent l’évacuation immédiate de la vaste majorité des migrants.

Mais la population fait également obstruction sur le continent, où le gouvernement a transféré 9.000 demandeurs d’asile sur les 20.000 prévus l’an dernier.

A Makrygialos, village côtier à 450 km au nord d’Athènes, quelque 300 habitants ont protesté contre l’installation de 200 migrants dans une bâtisse désaffectée ancien foyer pour malades mentaux.

– « Quel touriste » voudra venir? –

« Nous connaissons très bien leur plan, ils veulent islamiser l’ensemble du monde occidental, ça ne passera pas », scande Yiakoumis au microphone.

Un autre orateur prétend que « les réfugiés enlèvent les enfants » et que « la plupart des gens qui viennent en Grèce ont un casier judiciaire et sont recherchés dans leur pays ».

D’autres habitants affirment que le taux de criminalité augmentera si les migrants arrivent dans le village, qui vit surtout du tourisme.

« C’est une zone touristique. Quel touriste voudra prendre des vacances à côté (d’un refuge pour migrants)? », demande le maire Anastasios Manolas, ancien officier de l’armée de Terre.

Au cours des derniers mois, des manifestations similaires ont eu lieu dans d’autres communes du nord de la Grèce où les habitants faisaient corps pour empêcher les bus de déverser les migrants arrivant des îles.

La semaine dernière à Vrasna, des parents d’élèves ont refusé de partager l’école maternelle avec un petit nombre d’enfants réfugiés, qui ont été contraints de chercher un autre établissement scolaire.

Sur les îles aussi, l’exaspération est à son comble, depuis que le gouvernement a annoncé l’ouverture à l’été de nouvelles infrastructures « fermées » pour héberger les migrants.

Les insulaires, favorables à la fermeture des camps insalubres de Lesbos, Samos et Chios, annoncée par le gouvernement, refusent cependant leur remplacement par d’autres centres, craignant que la situation ne perdure.

Cinq ans après la grande crise migratoire de 2015, l’impasse dans laquelle se trouve la Grèce, à nouveau première porte d’entrée des migrants en Europe, a provoqué des manifestations émaillées d’incidents aux relents xénophobes, et de bagarres entre migrants et populations locales des îles égéennes.

La colère des insulaires est encore montée d’un cran quand le gouvernement a annoncé la réquisition de terrains pour les futurs centres d’hébergement.

Le ministre des Migrations Notis Mitarachi a finalement donné aux autorités des îles une semaine de réflexion pour suggérer des localisations alternatives pour les nouveaux camps.

Coronavirus: près de 1.900 morts, l’OMS contre toute mesure disproportionnée

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis en garde contre toute mesure « disproportionnée » face au coronavirus, alors que l’épidémie a déjà fait près de 1.900 morts.

Le nombre de contaminations en Chine continentale (hors Hong Kong et Macao), a grimpé mardi à 72.300. Ailleurs dans le monde, environ 900 personnes contaminées ont été recensées dans une trentaine de pays et territoires.

Mais l’OMS s’est voulue rassurante lundi: en dehors de la province chinoise du Hubei (centre), épicentre de l’épidémie, la maladie Covid-19 « touche une très petite proportion de la population » et son taux de mortalité n’est pour l’heure que d’environ 2%.

Le principal foyer de contamination hors de Chine reste le paquebot de croisière Diamond Princess, placé en quarantaine début février dans la baie de Yokohama près de Tokyo, après un test positif sur un croisiériste débarqué à Hong Kong.

Ses plus de 3.700 passagers avaient reçu l’ordre de rester dans leur cabine pendant deux semaines. Mais cela n’a pas empêché la propagation du virus: au moins 454 personnes ont été contaminées à bord.

Plusieurs pays ont commencé à évacuer leurs ressortissants. Plus de 300 Américains ont ainsi été rapatriés par avion vers les Etats-Unis, où ils ont entamé lundi une quarantaine de 14 jours — la durée maximale supposée de l’incubation.

– « Proportionnées » –

Un deuxième cas positif a été recensé parmi les quatre passagers français à bord du navire, a annoncé lundi le ministère français de la Santé, en précisant que ces malades sont pris en charge par les autorités sanitaires japonaises.

Le directeur de l’OMS a cependant estimé lundi qu’il n’était pas nécessaire de suspendre l’ensemble des croisières dans le monde, se disant opposé à toute « mesure de portée générale » face au coronavirus.

« Les mesures doivent être proportionnées à la situation, prises sur la base de preuves et d’éléments de santé publique », a déclaré à la presse Tedros Adhanom Ghebreyesus, soulignant que « le risque zéro n’existe pas ».

Cet appel intervient au moment où l’opérateur d’un navire de croisière américain, le Westerdam, cherche à retrouver la trace de quelque 1.200 voyageurs autorisés à débarquer la semaine dernière au Cambodge malgré la crainte de contaminations potentielles.

Samedi, le virus a été diagnostiqué chez une ex-passagère américaine de 83 ans arrivée en Malaisie. Mais des dizaines d’autres voyageurs ont, comme elle, déjà quitté le Cambodge pour rentrer chez eux, laissant craindre une propagation de l’épidémie.

« Si nous devons interrompre toutes les croisières du monde au cas où il y aurait un contact potentiel avec un possible agent pathogène, où nous arrêterons-nous? », a cependant déclaré le Dr Michael Ryan, directeur des urgences de l’OMS.

– « Trop tôt » –

« Devons-nous arrêter les bus dans le monde entier? », a-t-il fait mine de s’interroger devant la presse à Genève.

L’OMS s’était déjà prononcée contre la restriction brutale des voyages, alors qu’Etats-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande notamment ont interdit l’entrée sur leur territoire aux étrangers s’étant récemment rendus en Chine — dont évidemment de nombreux Chinois.

Des conférences commerciales, des compétitions sportives et des manifestations culturelles ont été annulées ou reportées, tandis qu’un grand nombre de compagnies aériennes ont suspendu leurs vols vers la Chine continentale.

Mardi, le bilan humain y a atteint les 1.868 morts. Et un directeur d’hôpital de la ville de Wuhan, d’où est partie l’épidémie, est décédé après avoir été contaminé, a annoncé la télévision publique CCTV.

Selon le dernier bilan quotidien, 98 personnes ont succombé au virus lors des dernières 24 heures, soit le quatrième jour de repli.

A 1.886, le nombre quotidien de nouvelles contaminations est au plus bas depuis le début du mois.

Ailleurs dans le monde, seul cinq décès ont été enregistrés jusqu’à présent (aux Philippines, à Hong Kong, au Japon, en France et à Taïwan).

En dehors du Hubei, bouclé par un cordon sanitaire afin de contenir l’épidémie, seules 79 nouvelles contaminations ont été recensées mardi en Chine continentale. Le 4 février, elles étaient 890.

– Apple pessimiste –

Alors que la perspective d’un vaccin est encore lointaine, les autorités chinoises ont demandé lundi aux personnes guéries de donner leur sang afin d’en extraire le plasma pour soigner les malades.

Ce plasma d’ex-patients infectés contient des anticorps qui pourraient permettre de diminuer la charge virale chez les personnes sévèrement atteintes.

Afin de mieux contrer l’épidémie, le gouvernement chinois a annoncé mardi une exemption de droits de douane punitifs qu’il imposait dans le cadre de sa guerre commerciale avec les Etats-Unis sur certains équipements médicaux américains.

Des équipements utilisés pour la transfusion de patients ou mesurer la pression artérielle seront ainsi exemptés à partir du 2 mars.

Mais les grandes entreprises mondiales craignent une chute de la demande. Apple a annoncé lundi que sa prévision de chiffre d’affaires pour le deuxième trimestre ne serait sans doute pas atteinte en raison de l’épidémie en Chine — pays crucial pour l’entreprise américaine.

Ioukos: une affaire russe à 50 milliards devant la justice néerlandaise

Plus de quinze ans après les faits, un tribunal néerlandais tranchera mardi sur le volet principal de la tentaculaire affaire Ioukos, ancien groupe pétrolier dont les anciens actionnaires réclament 50 milliards de dollars à la Russie.

Accusée par les ex-actionnaires d’avoir orchestré le démantèlement de Ioukos pour des raisons politiques, la Russie avait été condamnée en 2014 par la Cour permanente d’arbitrage (CPA), juridiction internationale située à La Haye, à leur verser une indemnisation de 50 milliards de dollars (46 milliards d’euros), ce que le pouvoir russe a refusé.

Jugeant que la CPA n’avait pas compétence pour octroyer cette indemnisation, un tribunal néerlandais avait annulé son jugement en 2016, une décision contestée par les requérants qui espèrent avoir gain de cause mardi devant la Cour d’appel de la Haye.

Dirigée par l’oligarque et ennemi déclaré du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, arrêté en 2003 et libéré après une décennie de prison, la compagnie Ioukos a été accusée par Moscou de fraude fiscale et d’escroquerie de grande ampleur.

L’entreprise, alors premier producteur d’or noir de Russie, avait été placée en liquidation judiciaire en août 2006, à l’issue d’un procès retentissant largement considéré comme inspiré par le Kremlin pour contrecarrer les ambitions politiques de M. Khodorkovski.

Ioukos avait été vendu à la découpe en grande partie au groupe pétrolier public russe Rosneft. Cette entreprise, de taille modeste alors, est devenue grâce aux actifs du groupe démantelé un géant mondial, piloté par un homme de confiance de Vladimir Poutine, Igor Setchine.

Les anciens actionnaires tentent depuis d’obtenir une indemnisation de leurs pertes causées par la dissolution de Ioukos.

Une pierre angulaire du procès a été la question de la compétence de la CPA pour juger de la question et octroyer cette indemnisation, que le tribunal néerlandais lui a refusée en première instance.

– « Corruption », « agissements illégaux » –

La CPA avait basé sa décision sur le Traité sur la charte de l’énergie (TCE), qui protège les investissements internationaux dans les projets énergétiques.

« La Fédération de Russie a signé le TCE, mais ne l’a pas ratifié », avait assuré la justice néerlandaise en 2016, indiquant que les décisions de la CPA étaient donc « contraires à la loi russe ».

Une autre des questions se posant « a trait aux circonstances de prise de contrôle de Ioukos par les oligarques russes aux cours de sa privatisation en 1995 et 1996 », a indiqué à l’AFP Andrea Pinna, avocat de la Russie.

Dans la foulée de la chute de l’URSS, des hommes d’affaires peu scrupuleux ont amassé des fortunes immenses et des empires influents en acquérant pour des sommes très réduites les actifs soviétiques, en particulier dans le secteur des matières premières, alors que le pays était plongé dans une crise profonde et que la population glissait dans la pauvreté. Parmi eux, M. Khodorkovski.

« La Russie estime que l’acquisition de Ioukos n’a été possible que par corruption et autres agissements illégaux », affirme Me Pinna, soulignant qu’il ne s’agit « pas d’un dossier politique, mais d’un dossier purement juridique qui a un enjeu financier de 50 milliards de dollars ».

Me Emmanuel Gaillard, qui représente les anciens actionnaires, affirme pour sa part à l’AFP que « la Russie déploie des efforts de diplomatie considérables pour tenter de discréditer les acteurs de l’affaire ».

« Leur stratégie est de tout déformer pour tout compliquer, pour faire oublier la plus grande expropriation du XXIe siècle », regrette-t-il.

Arrêté en 2003, M. Khodorkovski a été libéré en décembre 2013 à la suite d’une grâce accordée par le président russe, et vit depuis en exil. Son associé, Platon Lebedev, a quant à lui passé plus de 10 ans en prison, suite à des procès dénoncés par les défenseurs des droits de l’Homme.

L’affaire Ioukos est largement considérée comme le moment où Vladimir Poutine a mis au pas les grands oligarques russes dont l’influence sur le système politique a connu son apogée sous Boris Eltsine.

Quelle que soit l’issue de l’appel mardi, l’affaire devrait se poursuivre devant la Cour de cassation néerlandaise.

Indignation au Mexique après l’assassinat d’une fillette de sept ans

La découverte d’une fillette de sept ans tuée au Mexique a suscité une vive indignation lundi, deux jours après que des centaines de femmes eurent manifesté contre le meurtre particulièrement brutal d’une jeune femme qui a choqué le pays.

Le corps de la fillette portant des signes de torture a été retrouvé samedi à Tlahuac, au sud-est de la capitale, après avoir été porté disparue le 11 février.

Lundi, les parents de l’école où l’enfant étudiait ont exigé justice et plus de sécurité pour les mineurs et les femmes en brandissant lors d’un rassemblement des bannières demandant « Justice! » et s’interrogeant « à qui le tour demain? ».

Le président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, a estimé qu’un tel cas était la conséquence de « la décomposition de la société » intervenue durant « la période néolibérale » avant son arrivée au pouvoir.

Le parquet local a offert une récompense de deux millions de pesos (environ 107.000 dollars) en échange d’informations permettant d’identifier qui a enlevé et tué l’enfant.

Le porte-parole du procureur, Ulises Lara, a déclaré aux journalistes que la mère de la jeune fille était venue la chercher à l’école et que, ne la trouvant pas, elle avait commencé les recherches. Selon des images détenues par les autorités, le jour où la fille a disparu elle a été vue tenue par la main par une autre femme.

La mère de la fillette a demandé justice pour son enfant.

« J’ai besoin de votre soutien, car aujourd’hui c’était ma fille mais demain sera peut-être la vôtre », a-t-elle dit.

Elle a accusé un homme d’avoir tué sa fille, sans toutefois donner davantage de détails.

Cet assassinat est intervenu deux jours après que des centaines de femmes eurent manifesté dans plusieurs ville du Mexique pour dénoncer le meurtre particulièrement brutal d’une femme de 25 ans.

La jeune femme a été poignardée par son compagnon qui l’a ensuite dépecée et éventrée puis lui a arraché des organes qu’il a jetés dans les toilettes de l’appartement où ils vivaient.

L’affaire a également déclenché des protestations contre la diffusion, probablement par des responsables de la justice et de la police, d’images du corps mutilé de la jeune femme qui ont été publiées par des tabloïds de la capitale.

En 2019, le Mexique a enregistré 1.006 féminicides, selon des chiffres officiels qui sont sans doute en-dessous de la réalité.