Société




RCA : une ONG américaine dénonce un « accord tacite » entre Castel et des rebelles

Une filiale du groupe français Castel a apporté durant plusieurs années un soutien financier à des groupes armés en Centrafrique…

Une filiale du groupe français Castel a apporté durant plusieurs années un soutien financier à des groupes armés en Centrafrique en échange de la sécurisation d’une usine, affirme un rapport publié mercredi par l’ONG The Sentry évoquant un « accord tacite », démenti par l’entreprise. Selon l’ONG américaine, spécialisée dans la traque de l’argent sale, la Sucrerie Africaine de Centrafrique (Sucaf RCA), filiale de la Société d’organisation, de management et de développement des industries alimentaires et agricoles (Somdiaa), elle-même contrôlée à 87% par le géant viticole Castel, a « négocié un arrangement sécuritaire » avec notamment l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC), un groupe armé accusé d’exactions, pour « sécuriser l’usine et les champs de canne à sucre » et « tenter de protéger le monopole de la société ».

En échange, la Sucaf RCA a mis en place un « système sophistiqué et informel pour financer les milices armées par des paiements directs et indirects en espèces, ainsi que par un soutien en nature sous forme d’entretien des véhicules et de fourniture de carburant », selon The Sentry. « Il n’existe à notre connaissance aucun arrangement passé par la direction de Sucaf RCA et aucun soutien d’aucune sorte n’a été fourni », a réagi Alexandre Vilgrain, président de la Somdiaa.

Attaque contre des déplacés

La Centrafrique, deuxième pays le moins développé au monde selon l’ONU, est plongée depuis 2013 dans une grave crise politico-militaire. A la suite d’une guerre civile, des pans entiers de territoires sont passés sous le contrôle de groupes rebelles qui en accaparent les ressources. La raffinerie de la Sucaf RCA et les 5.137 hectares de plantation de canne à sucre se trouvent à Ngakobo, à 400 km à l’est de la capitale Bangui, dans la préfecture de la Ouaka, contrôlée de fin 2014 à début 2021 par l’UPC, un des principaux groupes armés du pays.

Selon The Sentry, le chef de l’UPC Ali Darassa et celui qui était alors son numéro deux, Hassan Bouba, les principaux bénéficiaires de cet « accord tacite » avec la Sucaf RCA, sont responsables de l’attaque d’un camp de déplacés en novembre 2018 à Alindao, qui a entraîné la mort d’au moins 112 personnes, dont 19 enfants. Des rapports de sécurité internes, recueillis par The Sentry et consultés par l’AFP, montrent que la direction de la Somdiaa à Paris était informée des exactions commises par les groupes armés dans la préfecture de la Ouaka.

Paiements

En échange de la sécurisation du site de Ngakobo, Ali Darassa et Hassan Bouba ont perçu une dizaine de milliers d’euros par an entre 2014 et 2021, affirme l’ONG. Les membres de l’UPC stationnés dans les locaux de l’usine ont également été rémunérés par la Sucaf RCA, selon des entretiens réalisés par The Sentry avec des employés de la société et ses sous-traitants, ainsi que des hommes de l’UPC.

Le groupe armé a également mis en place des barrages routiers. La Sucaf RCA et ses sous-traitants devaient payer des taxes pour chaque camion qui reliait Ngakobo et la capitale Bangui, d’après The Sentry, qui affirme que ce système a représenté une importante source de revenu pour l’UPC. « Il n’y a eu aucun accord, aucun financement mis à notre disposition chaque mois », a démenti auprès de l’AFP Hassan Bouba, actuel ministre de l’Elevage.

Pour « protéger le monopole » de la société sur la distribution de sucre dans plusieurs provinces du pays, la Sucaf RCA a, d’après le rapport, obtenu le soutien de l’UPC et d’autres groupes armés présents dans le nord-ouest du pays, « notamment par la saisie forcée de sucre de contrebande » en provenance du Soudan voisin. Selon The Sentry, ces rebelles ont reçu des commissions sur chaque saisie.

« Le sucre saisi était discrètement déchargé la nuit avant d’être reconditionné en sacs de sucre de la Sucaf RCA pour être ensuite vendu à des grossistes », relate The Sentry. Cet arrangement sécuritaire, conclut l’enquête, « s’est poursuivi jusqu’en mars 2021 », lorsque les membres de l’UPC ont été chassés de la zone par une contre-offensive des forces armées centrafricaines ainsi que des paramilitaires russes.


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