La RCA a son foyer pour des victimes de violences sexuelles

La première « maison de l’espoir » est désormais ouverte à Bangui, capable d’accueillir pour la nuit des femmes en grande précarité ou ayant besoin de protection. 10 000 cas de violences de genre sont recensés chaque année et dans la capitale, Médecins sans frontières (MSF) a reçu chaque jour dix femmes victimes de violences sexuelles, en 2019.

À 19 ans, Bianca est assise sur un petit lit du dortoir de la maison de l’espérance. Elle va bientôt y être hébergée avec son enfant. « Je suis tombée enceinte. Quand j’ai accouché, mon mari m’a abandonnée comme ça, raconte la jeune femme. J’ai entendu parler de la « maison de l’espoir », et c’est pourquoi je suis venue ici. Cela m’a aidé à recommencer, je me suis lancée dans une activité de vente de bois et de manioc pour m’occuper de mes enfants. »

La « maison de l’espoir » propose une solution temporaire d’hébergement pour les femmes, mais aussi un soutien psychosocial. C’est ce qu’est venue chercher Gisèle.

« Quand je suis allée au marché vers 18 heures, un monsieur m’a agressée au retour, il a voulu me violer, mais j’ai crié et les gens ont commencé à venir et le monsieur a fui, raconte-t-elle, visiblement prostrée. Depuis, les hommes me font peur. J’attends que la « maison de l’espoir » m’aide à sortir ces choses de ma tête pour continuer ma vie. S’il n’y avait pas la maison de l’espoir, je ne sais pas ce que je pourrais faire. »

La structure est dédiée aux femmes seules, aux femmes victimes de diverses violences et menaces, notamment les femmes battues par leurs maris ou encore celles accusées de sorcellerie.

Procès des crimes de Bangassou en RCA: des anti-balaka accusés de crimes

En Centrafrique, suite du procès des anti-balaka accusés de crimes commis à Bangassou en 2017. A la barre, se sont succédé plusieurs membres importants du groupe, dont Kévin Béré Béré, l’un des commandants. La salle était pleine et de nombreuses victimes étaient également présentes.

Dans la salle d’audience, le public écoute religieusement, réagit parfois aux commentaires des accusés. Dans l’auditoire, parmi les plaignants, un homme suit attentivement les débats. Si lui vit aujourd’hui à Bangui, où se déroule ce procès, il est accompagné de sa sœur qui a fait exprès le déplacement de Bangassou.

« Ils ont brûlé tous nos biens. Nous venons pour que ce procès soit vraiment correct et que nous ayons gain de cause. Ils sont en train de nier pour rien. Ça me choque, je ne peux pas. En tout cas, ça m’énerve quand je les entends tout nier. »

Mettre fin à une certaine impunité

Ce procès est très suivi dans le pays. Il est même retransmis en direct sur la radio nationale centrafricaine. Une bonne chose pour Maître Albert Panda, membre du collectif des avocats dédié à la défense des victimes.

« Ce procès doit aussi avoir un caractère éducatif, faire en sorte que les gens comprennent que à un moment donné, on se sent très fort, on a les armes et on fait n’importe quoi, mais tout ça, ça finit par s’arrêter un jour. Et ceux qui ont posé ces actes-là, il y a de très fortes chances pour qu’ils soient rattrapés par la justice. Et maintenant, ils doivent rendre des comptes. Les gens [doivent comprendre] que poser de tels actes dans une société, ce n’est pas acceptable et ça doit pouvoir être sanctionné. Et ils sont là pour ça justement. »

Il s’agit aussi pour ces victimes que l’on reconnaisse officiellement leurs pertes.

RCA : bientôt un fond d’indemnisation des victimes

Le 11 mai de chaque année, la République Centrafricaine célèbre la journée nationale des victimes de la crise qu’a connue le pays.

Cette 4e journée célébrée à Bangui a eu pour thème « Non à l’impunité. Oui à la réparation pour les victimes des crises militaro politique en Centrafrique »

Une célébration au cours de laquelle le Premier ministre Firmin Ngrébada a promi la création d’un fond d’indemnisation des victimes en ce terme : « Le Président de la République et le Gouvernement sont en train de travailler pour que le droit des victimes soient préservés. Dans le cadre des activités de cette CVJRR, toute la lumière sera faite sur la tragédie nationale que nous avons vécue, de même que nous mettrons en place un fonds d’indemnisation des victimes »

Une déclaration qui n’arrange pas certaines victimes. « Comment on peut parler que du fond et non de la justice alors que le thème de cette journée est non à l’impunité ? Qu’on est-il de nos bourreaux ? », s’interroge Arlette, une veuve.

On note à cette cérémonie la présence des associations des victimes de Centrafrique et des partenaires au développement. Un dépôt des gerbes de fleurs faite par le Premier ministre Firmin Ngrébada sur le monument des Martyrs. Le chef du Gouvernement Firmin Ngrébada a rappelé la mise en place de la Commission Vérité Justice Réparation et Réconciliation (CVJRR) et la création d’un fond d’indemnisation des victimes pour une paix durable et une véritable réconciliation en Centrafrique. « C’est un devoir de mémoire que nous sommes venus assurer à l’endroit des victimes mais également à l’endroit de ceux qui ont la chance de survivre et qui vivent encore des moments très difficiles », a fait savoir le Premier ministre Ngrébada.

« Nous voulons la justice, l’argent ne remplace pas mon papa tué par la séléka. Déjà les rebelles sont dans le gouvernement, ils sont nommés partout et nous les victimes ? Vraiment il faut que nos autorités prennent leur responsabilité afin de répondre aux soucis de la population meurtrie », s’exclame Maturin, élève âgé de 17 ans, orphelin qui passe son BAC cette année. Pour sa part, le président de l’association des victimes unies de Centrafrique, Etienne Oumba, a exhorté les autorités de Bangui à songer aux causes des victimes. « La célébration d’aujourd’hui est bien pour nous les victimes. Ce que nous attendons c’est la justice et la réparation. Il faut que le gouvernement pense à nous aider pour que les victimes soient satisfaites dans le processus de paix », a-t-il dit.

Une situation confuse en Centrafrique où les victimes réclament la justice alors que les chefs rebelles sont nommés au gouvernement et à des postes de responsabilité suite à l’accord de paix signé entre le gouvernement et les groupes armés au Khartoum.

Centrafrique : les victimes de la crise réclament leur représentation dans le gouvernement

Position exprimée ce mercredi 3 avril 2019 lors d’un échange organisé par le RJDH entre les victimes et les journalistes au centre Jean 23 à Bangui.

Les victimes réclament leur représentation dans le gouvernement 2 de Firmin Ngrébada pour mieux suivre l’évolution des différents points de leurs revendications.

Après la mise en place du nouveau gouvernement de Ngrébada, les victimes réagissent pour réclamer des autorités de la place, leur intégration dans ce nouveau gouvernement.

Alfred Béamonza, l’une des victimes des crises en Centrafrique, s’insurge de ce que « les victimes ne sont représentés dans le gouvernement. Le gouvernement a instauré le DDRR. Nous nous rendons compte tout est aujourd’hui fait pour le prestige des groupes armés. Mais qu’est-ce qui est prévu pour les victimes ? Nous voulons aussi que les victimes soient représentées dans le gouvernement afin de veiller sur tout ce que les victimes attendent comme revendications», s’est-il exclamé.

Pour Narcisse Dibert, chef de projet au Réseau des Journalistes pour les Droits de l’Homme, il est aussi important de prendre en compte les revendications des victimes, « Nous pensons que nous évoluons dans un contexte où personne ne doit être laissée pour compte. C’est très important pour que le gouvernement soit à l’écoute de ces victimes et voir dans quelle mesure, il peut les associer dans le programme du rétablissement du droit des victimes. Parce que la question de l’intérêt des victimes est aussi prise en compte par l’accord de paix de Khartoum. Le document initié par l’Assemblée Nationale demande également au gouvernement de mettre les victimes au centre de la recherche de la paix et donc il serait important de faire aussi impliquer les représentants des victimes dans le gouvernement pour la recherche de la paix durable», a souhaité Narcisse Dibert.

La réaction des associations des victimes intervient dans un contexte où aujourd’hui la présence des groupes armés dans le gouvernement est mal appréciée par une frange de la population centrafricaine.