RCA : les paramilitaires russes critiqués à l’ONU

Les diplomates ont critiqué les paramilitaires russes, la place qu’ils ont prise dans le conflit, et la gestion en Centrafrique.

 

Levée de boucliers, hier, mercredi 23 juin, à l’ONU contre les alliés russes des forces centrafricaines au Conseil de sécurité. A la quasi unanimité, les diplomates ont critiqué les paramilitaires russes, la place qu’ils ont prise dans le conflit, et la gestion du pays au jour le jour. Un peu plus tôt, ils avaient été briefés par l’émissaire de l’ONU en Centrafrique et chef de la Minusca, Mankeur Ndiaye, alors que Bangui a promis de mettre un terme aux entraves subies par la Minusca.

Les diplomates russes ont eu du mal à tenir leur ligne habituelle, eux qui refusent de reconnaître tout lien avec les paramilitaires en Centrafrique, alors que des centaines d’exactions contre des civils, du personnel de la Minusca et des casques bleus ont été décrites au Conseil. Les semonces française et américaine ont été publiques : l’ambassadeur français a demandé clairement à qui répondaient les combattants russes de la société Wagner.

Des diplomates russes embarrassés

Son homologue américain a affirmé qu’ils « opéraient directement comme une extension du ministère russe de la Défense ». En marge de la réunion, les diplomates russes, embarrassés, ont reçu le chef de la Minusca, ainsi que son adjointe, Louise Brown, qui avait été mise en joue par des miliciens à la frontière tchadienne fin mai.

Le chef d’état angolais Lourenço, également président en exercice de la Conférence internationale des Grands Lacs, est venu spécialement pour la réunion à New York. L’Angola se place de plus en plus comme médiateur dans le dossier centrafricain, et est reconnu pour avoir réussi à gérer ses propres « conseillers russes » au fil des ans.

Respect des forces de la Minusca

Des diplomates angolais auraient même recommandé au président Touadéra de faire des concessions quant à la large place concédée aux paramilitaires en Centrafrique – ce sont eux qui gèrent les recettes douanières ou contrôlent les routes – un geste nécessaire si celui-ci désirait se rapprocher de la France.

Parallèlement, le patron des casques bleus, Jean-Pierre Lacroix, qui représentait l’ONU à un forum sur la sécurité à Moscou, mercredi, a évoqué le cas centrafricain en réunion bilatérale. Et réclamé un respect total des forces de la Minusca en Centrafrique.

RCA : des experts de l’ONU s’inquiètent du rôle des paramilitaires russes

Les agents privés de Moscou, qui opèrent aux côtés des forces gouvernementales centrafricaines, sont accusés de multiples exactions.

 

Un groupe d’experts des Nations unies s’est alarmé de l’augmentation du recrutement et de l’utilisation, par le gouvernement de la République centrafricaine (RCA), d’entreprises militaires et de sécurité privées étrangères. En cause notamment de possibles exactions dans le cadre d’une mission totalement opaque.

Mercenaires, agents privés, instructeurs… Les noms changent pour désigner les paramilitaires russes en mission en Centrafrique. Ils sont dans le pays à la demande du pouvoir et leur mission vise officiellement à former les forces armées centrafricaines. Mais depuis plusieurs semaines, des rapports dénoncent de graves violations des droits de l’Homme imputables aux sociétés militaires privées russes lors d’opérations conjointes avec des soldats centrafricains.

« Des informations font état d’exécutions sommaires massives, de détentions arbitraires, de torture pendant les interrogatoires, de disparitions forcées… », souligne un groupe d’experts de l’ONU dans un communiqué

Ces exactions auraient eu lieu ces derniers mois dans le cadre d’une contre-offensive visant à sauver le pouvoir du président Faustin Archange Touadéra. Les forces gouvernementales, assistées par leurs alliés rwandais et russes, ont réussi à repousser l’avancée des rebelles et libérer la plupart des villes occupées en décembre par les groupes armés qui contrôlent déjà les deux-tiers du pays.

Mais les conditions d’intervention et le rôle exact des agents russes ne sont pas clairement définis.

Si les rapports étudiés par le groupe d’experts de l’ONU ne laissent aucun doute sur de graves violations des droits humains, il est très difficile d’en établir les responsabilités. Le groupe de travail sur les mercenaires déplore le manque de cadre, l’absence d’enquêtes et se dit profondément préoccupé par le mélange des genres entre les opérations civiles, militaires et celles de maintien de la paix.

« Les liens étroits entre les différents acteurs, ainsi que le manque de transparence, compromettent encore plus les chances de mener une enquête impartiale », un groupe d’experts de l’ONU dans un communiqué

Les experts indépendants demandent la clarification du rôle des partenaires internationaux, ce qui permettrait de rendre des comptes. Ils mettent en garde contre « les contacts étroits » entre les personnels des sociétés militaires privées russes, notamment ceux du groupe Wagner, et les forces de l’ONU, dont les tâches sont définies par un mandat international.

Dans un communiqué diffusé par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme à Genève, les experts font état de réunions coordonnées en présence de « conseillers russes » et d’évacuations médicales de « formateurs russes » blessés vers les bases de la Minusca.

Près de 12 000 casques bleus de la force de maintien de la paix de la Mission de l’ONU en Centrafrique sont présents dans le pays depuis 2014, notamment pour protéger les civils, éviter les abus et lutter contre l’impunité.