Festival de revirements en Centrafrique
Par Anatole Gbandi - 29/12/2014
Par Anatole Gbandi
L'éloquence chez la plupart des hommes politiques centrafricains se résume à des palinodies. Dont plus personne ne s'offusque. Et tant pis pour la RCA, pays des nains politiques, qui n'en finit pas de dégringoler dans l'indice de perception de la corruption et qui continue de végéter dans les profondeurs de l'indice de développement humain.
La dernière palinodie, celle du président du CNT qui décide d'une enquête (sur le milliard angolais) qu'il suspend le lendemain pour des raisons peu crédibles, est un morceau d'anthologie qui survivra à l'année qui s'achève.
Elle a été suffisamment commentée. Je me contenterais d'ajouter que Monsieur Nguendet aurait dû nous épargner ce numéro de matamore.
Toujours à propos de ce don, la présidente de transition avait promis "le moment venu" de donner "des éléments de réponse". Cette promesse non tenue équivaut exactement à un rétropédalage. L'affaire est classée.
Au mois de septembre, Cathérine Samba Panza est au micro de la Voix de l'Amérique. Qui lui demande si l'élection présidentielle était toujours prévue pour février 2015. Sa réponse fuse : "Comment organiser des élections quand la moitié du pays est encore dans l'insécurité ?"
Mais en octobre, elle fait dire par Madame Montaigne que la transition pour elle se termine bel et bien le 15 février 2015.
Enfin, je vais devoir m'arrêter avant qu'on ne m'accuse de faire une fixation sur elle, enfin, à propos des FACA, la présidente a toujours brandi un leitmotiv : "Les Nations unies n'en veulent pas." En effet, elles avaient décrété, sans se donner les moyens de le contrôler, un embargo sur les ventes d'armes à la RCA(résolution 2127). Mais devant le CNT en octobre, CSP décide soudain de créer "une unité rapide d'intervention" parce que tous les Centrafricains "sans exception" ont réclamé "l'engagement fort des FACA aux côtés des forces internationales(...) >>. Comment expliquer ce revirement ?
La dernière palinodie, celle du président du CNT qui décide d'une enquête (sur le milliard angolais) qu'il suspend le lendemain pour des raisons peu crédibles, est un morceau d'anthologie qui survivra à l'année qui s'achève.
Elle a été suffisamment commentée. Je me contenterais d'ajouter que Monsieur Nguendet aurait dû nous épargner ce numéro de matamore.
Toujours à propos de ce don, la présidente de transition avait promis "le moment venu" de donner "des éléments de réponse". Cette promesse non tenue équivaut exactement à un rétropédalage. L'affaire est classée.
Au mois de septembre, Cathérine Samba Panza est au micro de la Voix de l'Amérique. Qui lui demande si l'élection présidentielle était toujours prévue pour février 2015. Sa réponse fuse : "Comment organiser des élections quand la moitié du pays est encore dans l'insécurité ?"
Mais en octobre, elle fait dire par Madame Montaigne que la transition pour elle se termine bel et bien le 15 février 2015.
Enfin, je vais devoir m'arrêter avant qu'on ne m'accuse de faire une fixation sur elle, enfin, à propos des FACA, la présidente a toujours brandi un leitmotiv : "Les Nations unies n'en veulent pas." En effet, elles avaient décrété, sans se donner les moyens de le contrôler, un embargo sur les ventes d'armes à la RCA(résolution 2127). Mais devant le CNT en octobre, CSP décide soudain de créer "une unité rapide d'intervention" parce que tous les Centrafricains "sans exception" ont réclamé "l'engagement fort des FACA aux côtés des forces internationales(...) >>. Comment expliquer ce revirement ?

© zazzle.fr
1. Annus HOrribilis
Ce rétropédalage s'explique par l'aggravation de la situation sécuritaire. C'était prévisible. La RCA sans ses propres forces armées ne peut recouvrer sa sérénité. Je ne dis pas que les Casques bleus qui peinent à rétablir la sécurité dans le pays ont démérité. Ils se sont privés ou on les a privés de bras indispensables. Au Congo démocratique par exemple, ils se sont appuyés sur l'armée nationale (FARDC) pour réduire des rébellions. Pourquoi pas en RCA, général Babacar Gaye ?
La preuve de l'aggravation de la situation sécuritaire, c'est qu'il y a aujourd'hui, en cette fin d'année 2014, en RCA, plus d'armes qui circulent sous les boubous, les gandouras, les vestes, les chemises et les pagnes, qu'il n'en circulait en 2013.
Ce triste constat n'empêche pas certains rapports et discours d'afficher une tonalité de quasi-satisfecit: "La mission a été accomplie", "Il y a des progrès", le pays est en voie "de normalisation","Sa situation s'améliore".
En réalité, la situation de la Centrafrique ne s'est améliorée qu'en trompe-l'oeil. J'espère que je ne suis pas en train de noircir un tableau déjà noir. Y a-t-il eu désarmement ? Quelques mois après le début de l'opération Sangaris, un journal français parlait de "désarmement cosmétique". Aujourd'hui les deux grands groupes belligérants sont si lourdement armés que plus personne ne parle de désarmement. Que s'est-il passé ?
On a tout simplement transféré l'épicentre du conflit de Bangui à Bambari, un havre de paix, ville idéalement située pour devenir un jour la capitale de la RCA. Bambari, victime expiatoire des turpitudes de Bangui, comme le fut Bossangoa, comme le sont aujourd'hui Kaga Bandoro, Bria, Ndélé, Birao. Bambari, ville saccagée et pillée, devenue une impasse au cœur de la République, l'incarnation de l'impasse dans laquelle se trouve le conflit centrafricain.
Dans les provinces aujourd'hui, les massacres se déroulent à huis clos, sans témoin gênant, sans journaliste et sans caméra. On nous dit que les grands massacres ont cessé. Au moment où j'écris soixante personnes ont été tuées à Mbrés dans des affrontements entre les ex-Séléka et les Antibalaka, vingt à Bambari, dix-neuf du côté de Nola. A partir de combien de morts peut-on parler de grand massacre ? Dans un pays qui a tant souffert, un mort, n'est-ce pas un mort de trop ?
Plusieurs régions en déshérence ont cessé de crier misère aux autorités centrales. Ces dernières, engluées dans des affaires qu'elles ont parfois provoquées elles-mêmes, tiraillées entre les injonctions et les conseils de leurs parrains étrangers, montrent de temps en temps des velléités de reprise en main. Mais leur missi dominici sont rembarrés, voire chassés manu militari, comme à Ndélé, par des rebelles implacables et grisés par le sentiment d'impunité.
Une année noire pour la Centrafrique, menacée de partition. Une année sombre pour les Centrafricains, qui se perdent en conjectures sur ce que leur réserve l'avenir.
2. Des interrogations en guise de bilan
Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Madame Samba Panza, je l'espère pour la RCA, peut encore sauver son mandat de transition. Un mandat qui, s'il devait s'arrêter en février 2015, n'aura pas servi à grand-chose : une pitoyable querelle autour de la nomination d'un nouveau Premier ministre, et l'affaire du milliard angolais, un véritable bâton que la présidente a tendu à ses contempteurs pour se faire battre. Et les coups ont été violents, si violents que je me suis surpris, à plusieurs reprises, en train de murmurer: "Mais qu'est-elle allée faire dans cette galère ?" Les coups ont été rudes, si rudes que CSP peine à s'en remettre.
Pendant ce temps, l'insécurité galope comme un cheval fou. La misère gagne du terrain. Que peut faire la présidente dans ces conditions ? Peut-elle rebondir au prochain forum ? C'est possible. Mais j'aurais aimé que ce forum se déroulât à Bambari, s'il pouvait contribuer à ramener la paix dans cette ville. Loin de moi l'idée d'envoyer CSP au casse-pipe. Si elle estime que sa sécurité ne sera pas garantie, elle peut se faire représenter par son Premier ministre, nommé pour prendre langue avec les musulmans, ses coreligionnaires.
Un forum à Bambari démontrerait de manière éclatante que les autorités n'entendent pas céder, ni aujourd'hui ni demain, un pouce du territoire centrafricain. Mais c'est peut-être trop leur demander. Bambari n'offre aucun hôtel digne de leur stature, Bambari n'est pas Paris, New York... La capitale de la Ouaka n'a que des coups à donner. Alors cantonnons-nous sagement à Bangui, barricadons-nous si possible, reprenons les recettes qui ont déjà échoué, surtout leur verbiage bien rodé, dans lequel surnagent les sempiternels termes ronflants de "réconciliation", de "dialogue inclusif", de "consensus", et voyons comment depuis la capitale, nous pouvons éteindre avec des mots, des discours lénifiants et soporifiques, le brasier qui ravage nos provinces.
Il y a des jours où je me demande si écrire sur la Centrafrique peut encore l'aider. Meilleurs Voeux à toi, mon pays !
Ce rétropédalage s'explique par l'aggravation de la situation sécuritaire. C'était prévisible. La RCA sans ses propres forces armées ne peut recouvrer sa sérénité. Je ne dis pas que les Casques bleus qui peinent à rétablir la sécurité dans le pays ont démérité. Ils se sont privés ou on les a privés de bras indispensables. Au Congo démocratique par exemple, ils se sont appuyés sur l'armée nationale (FARDC) pour réduire des rébellions. Pourquoi pas en RCA, général Babacar Gaye ?
La preuve de l'aggravation de la situation sécuritaire, c'est qu'il y a aujourd'hui, en cette fin d'année 2014, en RCA, plus d'armes qui circulent sous les boubous, les gandouras, les vestes, les chemises et les pagnes, qu'il n'en circulait en 2013.
Ce triste constat n'empêche pas certains rapports et discours d'afficher une tonalité de quasi-satisfecit: "La mission a été accomplie", "Il y a des progrès", le pays est en voie "de normalisation","Sa situation s'améliore".
En réalité, la situation de la Centrafrique ne s'est améliorée qu'en trompe-l'oeil. J'espère que je ne suis pas en train de noircir un tableau déjà noir. Y a-t-il eu désarmement ? Quelques mois après le début de l'opération Sangaris, un journal français parlait de "désarmement cosmétique". Aujourd'hui les deux grands groupes belligérants sont si lourdement armés que plus personne ne parle de désarmement. Que s'est-il passé ?
On a tout simplement transféré l'épicentre du conflit de Bangui à Bambari, un havre de paix, ville idéalement située pour devenir un jour la capitale de la RCA. Bambari, victime expiatoire des turpitudes de Bangui, comme le fut Bossangoa, comme le sont aujourd'hui Kaga Bandoro, Bria, Ndélé, Birao. Bambari, ville saccagée et pillée, devenue une impasse au cœur de la République, l'incarnation de l'impasse dans laquelle se trouve le conflit centrafricain.
Dans les provinces aujourd'hui, les massacres se déroulent à huis clos, sans témoin gênant, sans journaliste et sans caméra. On nous dit que les grands massacres ont cessé. Au moment où j'écris soixante personnes ont été tuées à Mbrés dans des affrontements entre les ex-Séléka et les Antibalaka, vingt à Bambari, dix-neuf du côté de Nola. A partir de combien de morts peut-on parler de grand massacre ? Dans un pays qui a tant souffert, un mort, n'est-ce pas un mort de trop ?
Plusieurs régions en déshérence ont cessé de crier misère aux autorités centrales. Ces dernières, engluées dans des affaires qu'elles ont parfois provoquées elles-mêmes, tiraillées entre les injonctions et les conseils de leurs parrains étrangers, montrent de temps en temps des velléités de reprise en main. Mais leur missi dominici sont rembarrés, voire chassés manu militari, comme à Ndélé, par des rebelles implacables et grisés par le sentiment d'impunité.
Une année noire pour la Centrafrique, menacée de partition. Une année sombre pour les Centrafricains, qui se perdent en conjectures sur ce que leur réserve l'avenir.
2. Des interrogations en guise de bilan
Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Madame Samba Panza, je l'espère pour la RCA, peut encore sauver son mandat de transition. Un mandat qui, s'il devait s'arrêter en février 2015, n'aura pas servi à grand-chose : une pitoyable querelle autour de la nomination d'un nouveau Premier ministre, et l'affaire du milliard angolais, un véritable bâton que la présidente a tendu à ses contempteurs pour se faire battre. Et les coups ont été violents, si violents que je me suis surpris, à plusieurs reprises, en train de murmurer: "Mais qu'est-elle allée faire dans cette galère ?" Les coups ont été rudes, si rudes que CSP peine à s'en remettre.
Pendant ce temps, l'insécurité galope comme un cheval fou. La misère gagne du terrain. Que peut faire la présidente dans ces conditions ? Peut-elle rebondir au prochain forum ? C'est possible. Mais j'aurais aimé que ce forum se déroulât à Bambari, s'il pouvait contribuer à ramener la paix dans cette ville. Loin de moi l'idée d'envoyer CSP au casse-pipe. Si elle estime que sa sécurité ne sera pas garantie, elle peut se faire représenter par son Premier ministre, nommé pour prendre langue avec les musulmans, ses coreligionnaires.
Un forum à Bambari démontrerait de manière éclatante que les autorités n'entendent pas céder, ni aujourd'hui ni demain, un pouce du territoire centrafricain. Mais c'est peut-être trop leur demander. Bambari n'offre aucun hôtel digne de leur stature, Bambari n'est pas Paris, New York... La capitale de la Ouaka n'a que des coups à donner. Alors cantonnons-nous sagement à Bangui, barricadons-nous si possible, reprenons les recettes qui ont déjà échoué, surtout leur verbiage bien rodé, dans lequel surnagent les sempiternels termes ronflants de "réconciliation", de "dialogue inclusif", de "consensus", et voyons comment depuis la capitale, nous pouvons éteindre avec des mots, des discours lénifiants et soporifiques, le brasier qui ravage nos provinces.
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