Roland Marchal: « Il sera compliqué de rétablir la sécurité en Centrafrique »
Par France 24 - 29/11/2013
Selon ce chargé de recherche au CNRS, pour que l’intervention militaire soit un succès en Centrafrique, elle doit aller de pair avec un accompagnement politique et économique
L’ambassadeur de France à l’ONU, Gérard Araud, a déclaré mardi sur FRANCE 24 que l'intervention en Centrafrique «sera beaucoup plus facile qu’au Mali». Qu’en dites-vous ?
En Centrafrique, une intervention française et africaine peut éventuellement être combattue. Les mouvements qui composent la Séléka s’appuient sur des régions dont ils sont largement issus. L’accueil peut être relativement hostile s’il n’y a pas de signes politiques forts de la part de la communauté internationale et de la direction du pays. Une intervention militaire est indispensable, il n’y a pas d’ambiguïté là-dessus. Mais il est inquiétant de voir les Français arriver en se disant que ce sera plus facile qu’au Mali. Certes, sur la dimension militaire c’est beaucoup plus facile, mais d’un point de vue sécuritaire c’est beaucoup plus compliqué.
La situation est actuellement très fragile et il y a un potentiel de violence réel. Il y a beaucoup de tensions et d’exaspérations. Des règlements de compte sont possibles, y compris pendant une intervention française et africaine. Les Français voient davantage les dangers militaires mais dans la population, beaucoup de gens veulent prendre leur revanche sur ceux qu’ils appellent "les musulmans". La Séléka a été capable d’arriver jusqu’à Bangui aussi grâce à l’exaspération vis-à-vis du régime précédent. Mais maintenant, certains veulent piller comme la Séléka l'a elle-même fait auparavant. Ce n’est pas aussi simple que les bons contre les méchants.
En Centrafrique, une intervention française et africaine peut éventuellement être combattue. Les mouvements qui composent la Séléka s’appuient sur des régions dont ils sont largement issus. L’accueil peut être relativement hostile s’il n’y a pas de signes politiques forts de la part de la communauté internationale et de la direction du pays. Une intervention militaire est indispensable, il n’y a pas d’ambiguïté là-dessus. Mais il est inquiétant de voir les Français arriver en se disant que ce sera plus facile qu’au Mali. Certes, sur la dimension militaire c’est beaucoup plus facile, mais d’un point de vue sécuritaire c’est beaucoup plus compliqué.
La situation est actuellement très fragile et il y a un potentiel de violence réel. Il y a beaucoup de tensions et d’exaspérations. Des règlements de compte sont possibles, y compris pendant une intervention française et africaine. Les Français voient davantage les dangers militaires mais dans la population, beaucoup de gens veulent prendre leur revanche sur ceux qu’ils appellent "les musulmans". La Séléka a été capable d’arriver jusqu’à Bangui aussi grâce à l’exaspération vis-à-vis du régime précédent. Mais maintenant, certains veulent piller comme la Séléka l'a elle-même fait auparavant. Ce n’est pas aussi simple que les bons contre les méchants.

© fr.africatime.com
Roland Marchal
On présente la Centrafrique comme une poudrière où l'insécurité est générale. Quels sont les risques d’embrasement régional ?
Sur le court terme, les craintes sont un peu exagérées. Pour l’instant, il ne s’agit pas d’une crise géopolitique majeure mais, si on n'intervient pas, les possibilités de dérapage sont nombreuses.
Le débat s’est porté sur des exactions inscrites dans un contexte d'opposition religieuse entre deux communautés, deux grands monothéismes [un Nord musulman et un Sud chrétien]. Mais ce n’est pas la seule lecture possible. Il ne faut donc pas se contenter de battre militairement la Séléka sans réconcilier le pays avec lui-même, c'est-à-dire le Nord-Est avec le reste du territoire. Si les Français et leurs alliés régionaux, majoritairement chrétiens, chassent le président musulman de la transition, Michel Djotodia, cela peut effectivement avoir quelques échos ailleurs dans la région et entraîner des réactions d’éléments radicaux venus du Tchad voisin, du Soudan et du nord du Cameroun.
Cette intervention n’intervient-elle pas trop tard ?
La prise de conscience française a été la première au sein de la communauté internationale. On doit rendre hommage aux autorités françaises pour cela. Mais elle a été extrêmement tardive, n'intervenant qu'au retour des vacances, fin août, alors qu'il aurait fallu tirer la sonnette d’alarme dès le mois de juin.
Ensuite, Paris a longtemps soutenu (le précédent président François) Bozizé qui a porté ce pays au bord du gouffre, la Séléka ne donnant que le coup final. Il convient d’éviter les mêmes erreurs mais on ne semble pas réfléchir suffisamment au Quai d’Orsay et au ministère de la Défense. L’Union européenne et les Américains ont également fait de sacrées boulettes. La communauté internationale travaille un peu dans le désordre. On ne parle que de la montée en puissance d’un dispositif militaire. Comment sauver une population si l’on ne met pas l’accent sur la réconciliation nationale et que l’on ne fait pas des gestes vis-à-vis des régions d’origine de la Séléka afin d'éviter une partition du pays ?
Il faut reconstruire un appareil d’État et se poser la question d’aider la population à survivre alors que les salaires des fonctionnaires ne sont pas payés depuis trois mois. L’aide budgétaire internationale est actuellement proscrite et recommencerait au mieux en mars. La population centrafricaine vit dans un stress économique majeur. Il faut pouvoir manger pour écouter des discours sur la réconciliation !
La communauté internationale est prompte à lever des fonds pour une intervention militaire mais il lui faut un peu plus d’imagination politique et économique.
Sur le court terme, les craintes sont un peu exagérées. Pour l’instant, il ne s’agit pas d’une crise géopolitique majeure mais, si on n'intervient pas, les possibilités de dérapage sont nombreuses.
Le débat s’est porté sur des exactions inscrites dans un contexte d'opposition religieuse entre deux communautés, deux grands monothéismes [un Nord musulman et un Sud chrétien]. Mais ce n’est pas la seule lecture possible. Il ne faut donc pas se contenter de battre militairement la Séléka sans réconcilier le pays avec lui-même, c'est-à-dire le Nord-Est avec le reste du territoire. Si les Français et leurs alliés régionaux, majoritairement chrétiens, chassent le président musulman de la transition, Michel Djotodia, cela peut effectivement avoir quelques échos ailleurs dans la région et entraîner des réactions d’éléments radicaux venus du Tchad voisin, du Soudan et du nord du Cameroun.
Cette intervention n’intervient-elle pas trop tard ?
La prise de conscience française a été la première au sein de la communauté internationale. On doit rendre hommage aux autorités françaises pour cela. Mais elle a été extrêmement tardive, n'intervenant qu'au retour des vacances, fin août, alors qu'il aurait fallu tirer la sonnette d’alarme dès le mois de juin.
Ensuite, Paris a longtemps soutenu (le précédent président François) Bozizé qui a porté ce pays au bord du gouffre, la Séléka ne donnant que le coup final. Il convient d’éviter les mêmes erreurs mais on ne semble pas réfléchir suffisamment au Quai d’Orsay et au ministère de la Défense. L’Union européenne et les Américains ont également fait de sacrées boulettes. La communauté internationale travaille un peu dans le désordre. On ne parle que de la montée en puissance d’un dispositif militaire. Comment sauver une population si l’on ne met pas l’accent sur la réconciliation nationale et que l’on ne fait pas des gestes vis-à-vis des régions d’origine de la Séléka afin d'éviter une partition du pays ?
Il faut reconstruire un appareil d’État et se poser la question d’aider la population à survivre alors que les salaires des fonctionnaires ne sont pas payés depuis trois mois. L’aide budgétaire internationale est actuellement proscrite et recommencerait au mieux en mars. La population centrafricaine vit dans un stress économique majeur. Il faut pouvoir manger pour écouter des discours sur la réconciliation !
La communauté internationale est prompte à lever des fonds pour une intervention militaire mais il lui faut un peu plus d’imagination politique et économique.
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45 COMMENTAIRES
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Comment aider
Par Carnot29/11/2013 13:54
Une aide qui n'aide pas à se passer de tout aide n'est pas une aide.
Aider la Centrafrique, c'est lui laisser libre choix d'exploiter son pétrole, son uranium, son gisement de fer avec le partenaire de son choix y comprise la France bien sûr.Ce n'est qu'à ce prix là que la réconciliation sera véritable; il n'y aura jamais de réconciliation si la pauvreté persiste.
Alors, exploitons le pétrole!
Merci carnot
Par Sorokaté29/11/2013 17:27
Vous avez tout dit. Comment aider? où est donc la liberté? où est donc l'indépendance?
En tout cas qu'on nous quitte tant mieux. Pourquoi s'accrocher à notre pays?
L’hypocrisie est un vilain défaut.
Réponse à Rolland Marchal
Par Albertlouta29/11/2013 18:24
Comme à son habitude, notre expert spécialiste de la Centrafrique mélange tout dans ses propos. Comment au stade actuel peut on déjà parler de réconciliation nationale ? Soyons sérieux, nous sommes dans la phase sécuritaire de l'opération et montrer à ces bandits qu'il y aura après une phase de réconciliation, c'est compromettre toute chance future de paix. Il s'agit de neutraliser sur l'ensemble du territoire toutes les forces négatives et après s'asseoir pour discuter. Comme à son habitude, Rolland Marchal qui a des affinités avec certains leaders de la Seleka qu'il avait beaucoup fréquenté avant les événements du 24 mars, tente encore par une de ses pirouettes favorites de garder dans le jeu ses amis de la Seleka au nom de la réconciliation nationale. Si on commence par se poser la question de savoir que pensera le Tchad et le Soudan, mieux vaut rester l'arme au pied et supplier ces criminels de désarmer. La question que notre spécialiste n'a pas abordée, est celle de la capacité de montée en puissance des forces de défense et de sécurité centrafricaine qui devront accompagner l'armée française et la MISCA et être en mesure d'occuper et sécuriser les territoires libérés. Il ne reste qu'à ce monsieur Marchal de nous dire d'aller demander la permission à Deby et à Bechir, la permission afin de rétablir la sécurité sur l'ensemble du territoire centrafricain. Nous connaissons les amitiés de ce monsieur avec Éric Neris et autres terroristes de la Seleka. Qu'il nous laisse tranquille avec ses thèses biaisées et orientées.
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